L’application concrète de l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 sur les délais de procédure d’appel.

 

La loi du 23 mars 2020 entrée en vigueur le lendemain, soit le 24, précise la durée de l’état d’urgence sanitaire en son article 4:

« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. » L’état d’urgence se poursuivra donc jusqu’au 24 juin.

 

Quant à l’ordonnance, elle prévoit les conséquences de l’état d’urgence sanitaire sur les délais de procédure notamment.

Concernant la procédure d’appel, ce sont plus spécifiquement les articles 1 § 1 et 4 qui la concernent.

Art. 1 § 1

« Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l‘article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée. »

Art. 2

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

L’article premier de l’ordonnance fixe le cadre temporel de l’application de l’ordonnance.

La période concernée s’étire du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour l’instant fixée au 24 mai.

C’est à compter de cette date plus  un mois, donc à compter du 24 juin, que recommencent à courir les délais.

L’article 2 indique que les actes qui devaient être accomplis au cours de cette période seront réputés l’avoir été à condition qu’ils le soient dans le délai propre à chacun de ces actes à compter du 24 juin.

Cela signifie qu’une déclaration d’appel dont le délai d’un mois commençait à courir par exemple le 10 mars devra être déposée avant le 24 juillet (fin actuelle de la période d’urgence sanitaire fixée au 24 mai plus un mois, soit le 24 juin. Le délai d’appel d’un mois recommence donc à courir à compter de ce jour soit un terme au 24 juillet).

Cette ordonnance prévoit donc une interruption des délais de procédure notamment.

Toutefois, l’effet de cette interruption n’est pas total puisque l’article 2 pose une borne : le délai ne peut être prorogé au-delà de deux mois.

Cette borne temporelle ne pose pas de problème lorsque « la loi ou le règlement » fixent des délais inférieurs ou égaux à deux mois pour l’accomplissement des actes (délais d’appel, de notification de déclaration d’appel etc). Mais qu’en est-il lorsque le délai est supérieur à deux mois, comme par exemple le délai pour conclure pour l’appelant ou l’intimé ?

Rappelons qu’une interruption a pour effet de faire courir un nouveau délai égal au précédent à compter du jour de la fin de l’interruption.

Dans le cas d’un délai supérieur à 2 mois, l’interruption n’est que partielle puisque le délai de trois mois est ramené à deux.

Prenons un exemple.

Une déclaration d’appel a été déposée le 10 mars. Le délai pour conclure expire donc le 10 juin.

En prenant toujours comme hypothèse la fin de l’état d’urgence au 24 mai, les délais recommencent à courir le 24 juin. 24 juin + trois mois, le délai pour conclure devrait normalement expirer le 24 septembre. Mais l’article 2 limite le délai à 2 mois, soit un délai maximum pour conclure au 24 août.

On peut également s’interroger sur les actes qui sont déposés au cours de la période d’urgence sanitaire. Le texte est silencieux sur ce point. Il n’y a cependant aucune raison pour considérer qu’un problème se poserait à leur égard.

Compte tendu de la période actuelle assez chaotique, il est donc recommandé, dans la mesure du possible, de respecter les délais.

On peut cependant regretter que certaines juridictions profitent des circonstances pour ne pas rendre leurs délibérés…