Cour d’Appel Saint-Denis de La Réunion, 14 déc. 2016, no 15/02274
Les faits :
Un transporteur est chargé d’acheminer du matériel jusqu’à la Réunion. Une avarie survient et le transporteur est mis en cause. Il soulève la prescription d’un an édictée par l’article L 133-6 du code de commerce. Son contradicteur lui oppose sa renonciation à se prévaloir de cette prescription.
En droit :
Etaient donc notamment posés à la cour deux problèmes :
- L’interruption de la prescription
- La renonciation à sa prévaloir de la prescription
A titre liminaire, il convient de souligner que les règles qui vont suivre s’appliquent aux transports maritimes mais également terrestres.
1°) L’interruption de la prescription :
L’article L 133-6 du code précité édicte une prescription très courte (d’un an) en matière de transport, dérogeant ainsi au délai de droit commun de 5 ans (article 2224 du code civil, texte qui s’appliquerait en l’absence de l’article L 133-6).
Attention : les actions en garantie (ou récursoire) doivent être engagées sous peine d’irrecevabilité dans le délai d’un mois qui suit la mise en cause du garanti.
Concrètement, un transporteur est assigné par un client. Si le transporteur estime qu’un tiers est responsable et lui doit sa garantie (par exemple, le tiers responsable d’un accident de la circulation), il dispose d’un délai d’un mois à compter de l’assignation du client pour mettre le tiers en cause. A défaut, son action sera irrecevable comme prescrite à l’encontre de ce tiers.
Dans le cas présent, le problème posé était l’interruption de la prescription (à ne pas confondre avec la suspension qui arrête le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru, à la différence de l’interruption qui remet le délai à zéro). En effet, le client du transporteur indiquait qu’il lui avait adressé des courriers portant réclamation de son préjudice. Il estimait donc qu’il y avait eu, par ces courriers, interruption de la prescription d’un an.
Pour apprécier les causes de l’interruption de la prescription, rien n’étant mentionné dans le code de commerce, il faut donc se référer au droit commun, à savoir le code civil (art. 2240 et suivants du code civil).
La cour décide qu’un courrier simple ne peut interrompre le délai, ce qui est conforme aux textes et à la jurisprudence.
Normalement, une lettre recommandée n’interrompt pas plus le délai (hormis en droit des assurances) sauf si les parties en ont contractuellement convenu (art. 2254 du code civil).
En conséquence, à défaut de précision contractuelle, seules les causes d’interruption prévues (notamment reconnaissance par le débiteur de sa dette, action en justice) par le code trouvent à s’appliquer.
2°) La renonciation à la prescription :
Pour s’opposer à la prescription soulevée, le client a tenté de convaincre la cour qu’il y avait eu renonciation par le transporteur à se prévaloir de ce moyen.
Il est en effet toujours possible de renoncer à la prescription (l’intérêt pour le débiteur est cependant des plus restreints). En fait, c’est le créancier qui se voit opposer la prescription de son action qui tentera de déduire de certaines déclarations ou de certains faits une renonciation du débiteur à se prévaloir de cette prescription.
Pour renoncer, il faut que la prescription soit acquise. On ne peut renoncer par avance (par exemple par une clause insérée dans un contrat) à la prescription.
Si la renonciation n’a pas besoin d’être expresse et peut donc être tacite, encore faut-il qu’elle résulte d’un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Le conseil du professionnel : attention au contenu des écrits tant en période précontractuelle que pendant l’exécution du contrat, voire après ! Ceux-ci, en cas de litige, seront décortiqués par votre adversaire afin de voir s’il n’y a pas des arguments à tirer pour vous les opposer.
H Merlinge
Laisser un commentaire