Les ordonnances Macron ont créé un barème s’imposant au juge prud’homal pour l’appréciation des dommages & intérêts dus au salarié dont le licenciement est reconnu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les juges sont libres d’apprécier le montant de l’indemnisation accordée, sans toutefois pouvoir dépasser le plafond fixé par le barème.
Si le barème recouvre peu ou prou les montants alloués antérieurement par les différentes juridictions prud’homales aux salariés bénéficiant d’une ancienneté suffisamment importante, il a incontestablement réduit les sommes antérieurement accordées aux salariés ayant des anciennetés inférieures à 4 ans.
Cette nouvelle réglementation – ajoutée aux autres mesures mises en œuvre – a eu l’effet recherché de diminuer considérablement le contentieux prud’homal.
Certains conseils de prud’hommes ont néanmoins résisté en refusant d’appliquer le barème Macron, considérant qu’il serait contraire à la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et à la charte sociale européenne révisée.
Dans 2 avis du 17 juillet 2019, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré que :
- le barème Macron était compatible avec la convention de l’OIT
- la charte sociale européenne ne pouvait être invoquée dans le cadre d’un litige entre des personnes privées.
- C’est l’assemblée plénière qui a rendu les 2 avis et non la chambre sociale
En principe, les litiges prud’homaux sont dévolus à la chambre sociale de la Cour de cassation.
Si l’assemblée plénière a entendu prendre position, c’est pour user de son autorité et amener l’ensemble des juridictions à s’incliner.
Il est en effet peu probable que la chambre sociale, lorsqu’elle sera saisie d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt qui n’aura pas appliqué le barème Macron, désobéisse à la formation plénière.
Il est même vraisemblable que les cours d’appel se rangeront à l’avis de la Cour de cassation.
Seuls des conseils de prud’hommes pourraient tenter de résister, avec toutefois un risque élevé d’infirmation en appel.
Les avis de la Cour de cassation ont donc sauvé, au moins à court terme, le barème Macron.
- Une motivation juridiquement discutable
* Pour schématiser, la Cour de cassation a considéré que la charte sociale européenne ne pouvait pas être invoquée directement par une personne privée (un salarié) à l’encontre d’une autre personne privée (son ex-employeur).
Elle a ainsi utilisé la jurisprudence classique et ancienne appliquée aux directives européennes qui effectivement ne peuvent pas être directement invoquées dans le cadre d’un litige exclusivement privé.
Les parties ne peuvent se prévaloir que des textes nationaux qui ont transposé la directive européenne.
Si elles estiment que la directive n’a pas été correctement transposée, il leur appartient alors d’engager une action en responsabilité contre l’Etat français.
Cette règle s’explique facilement par le fait qu’une directive européenne doit nécessairement faire l’objet d’un acte de transposition en droit interne
En revanche, les textes européens ne prévoient pas que la charte sociale européenne doive faire l’objet d’une transposition.
* Pour la convention de l’OIT, la Cour de cassation a considéré purement et simplement que le barème Macron était compatible avec les dispositions de cette convention.
Si cette analyse peut être discutée, elle a au moins le mérite d’être claire.
- Mais une motivation économiquement et politiquement explicable
Au regard de la motivation plutôt aléatoire de ses avis, l’assemblée plénière a clairement voulu sauver le barème Macron.
La raison ne peut en être que politique et économique.
Il faut en effet reconnaître à ce barème qu’il est parvenu au résultat recherché consistant à réduire le contentieux prud’homal et à éviter le loto judiciaire qui pouvait parfois en découler.
Néanmoins, la sécurité juridique souhaitée par la Cour de cassation n’est pas acquise dans la mesure où le comité social européen et les experts de l’OIT pourraient être amenés à se prononcer également sur la question.
Loïc DEMAREST
Laisser un commentaire