Depuis que la CJUE et la Cour de cassation ont pris position sur cette question, il est acquis que :

  • un règlement intérieur peut comporter une clause de neutralité religieuse interdisant le port de tout signe religieux dès lors que cette interdiction répond à un objectif non discriminatoire et est proportionnée à cet objectif
  • l’existence d’une telle règle n’est pas à elle seule suffisante à justifier un licenciement dès lors qu’il appartient préalablement à l’employeur de vérifier s’il ne peut pas adapter la situation du salarié concerné.

 

Jusqu’à présent, le contentieux s’était cristallisé autour du voile islamique.

Il s’étend désormais au port de la barbe.

Or, si le port du voile constitue à l’évidence un signe religieux, le port de la barbe n’est pas toujours l’expression d’une quelconque conviction ; il peut représenter seulement une apparence physique due notamment à un phénomène de mode.

Ce débat a fait l’objet de deux arrêts de cour d’appel :

 

  • Dans l’une de ces affaires, un salarié d’une entreprise de pompes funèbres s’est vu refuser un avantage parce qu’il avait refusé de se raser pour une cérémonie.

Le règlement intérieur comportait une disposition restrictive mais générale, répondant donc aux critères posés par la CJUE.

En outre, dans cette affaire, le salarié n’invoquait pas une discrimination religieuse mais une discrimination en raison de son apparence physique.

Il a logiquement été débouté par la Cour d’appel de DIJON (arrêt du 01/03/18).

 

  • Le débat est beaucoup plus complexe et épineux lorsqu’il met en cause une conviction religieuse.

Dans cette affaire, le salarié barbu était employé par une société spécialisée dans la sécurité et la défense des gouvernements, organisations internationales et sociétés privées.

Il travaillait régulièrement dans des pays sensibles.

Son employeur lui a demandé de tailler sa barbe (et pas de la raser complètement) à la demande de clients.

Après avoir refusé, il a été licencié au motif que son manque de coopération sur son apparence physique rendait impossible son maintien sur une mission et compromettait la sécurité des clients et de ses collègues.

La Cour d’appel de VERSAILLES (dans un arrêt du 27/09/18) a tranché en faveur du salarié qui invoquait une discrimination religieuse.

Pourtant, l’employeur avait bien cherché à justifier sa demande par une raison de sécurité.

Néanmoins, les juges versaillais ont retenu :

  • la rédaction malencontreuse de la lettre de licenciement qui faisait état d’une barbe taillée d’une manière volontairement très signifiante aux doubles plans religieux et politiques
  • le fait que l’employeur ne donnait aucune indication sur les exigences de ses clients ni même sur la réalité de celles-ci.

La décision est donc logique au regard des règles applicables.

Elle permet toutefois d’observer que :

– la rédaction de la lettre de licenciement et la constitution d’un dossier solide et réel sont essentiels pour l’employeur

– le salarié aura plutôt intérêt à se placer sur le terrain religieux pour tenter de remporter son procès.

 

Loïc DEMAREST